15 mai 2011

L'Immeuble Yacoubian, Alaa El Aswany



 Construit en plein cœur du Caire dans les années 1930, vestige d'une splendeur révolue, l'immeuble Yacoubian constitue un creuset socioculturel très représentatif de l'Egypte du XXIe siècle naissant. Dans son escalier se croisent ou s'ignorent Taha, le fils du concierge, qui rêve de devenir policier ; Hatem, le journaliste homosexuel ; le vieil aristocrate Zaki, perdu dans ses souvenirs ; Azzam, l'affairiste louche aussi bigot que lubrique ; la belle et pauvre Boussaïna, qui voudrait travailler sans avoir à subir la convoitise d'un patron...

Témoin d'une époque, Alaa El Aswany pose, sans juger, un regard tendre sur des personnages qui se débattent tous, riches et pauvres, bons et méchants, dans le même piège, celui d'une société dominée par la corruption politique, la montée de l'islamisme, les inégalités sociales, l'absence de liberté sexuelle, la nostalgie du passé.

Mais ce roman n'aurait pas conquis un tel nombre de lecteurs dans le monde entier s'il se contentait d'évoquer l'Egypte au tournant du millénaire : en digne héritier d'un Dostoïevski comme d'un Zola ou d'un Mahfouz, c'est bien de l'homme que nous parle Alaa El Aswany, de ses vices et de ses faiblesses, de ses rêves et de ses échecs, et le miroir qu'il tend, pour indulgent qu'il soit, n'en est que plus effrayant.

Je voulais lire ce livre absolument, j'étais sûre de l'avoir vu chez une amie & à force de poser la question à toutes, la belle-sœur de ma belle-sœur me l'a fait parvenir. Je voulais absolument le lire pour deux raisons : le titre et l'argument. Le nom de l'immeuble : un nom arménien! Puis l'argument : la vie des habitants de cet immeuble. Pourtant, je me suis trompée sur toute la ligne & j'ai plongé dans un univers absolument inconnu de moi : l'Égypte. Le roman se déroule en effet au Caire. Point d'Arménie, donc, mais des égyptiens agaçants et attachants, sur fond de critique acerbe de la société et de la classe politique, de la corruption et de la débrouille, du fanatisme et de l'opposition entre tradition et modernité. Un roman qui résonne étrangement au moment où à la radio l'on entend comment la société égyptienne essaie de se défaire du totalitarisme du régime. Galerie de portraits entre tendresse et âpreté,  c'est un très beau roman, habité par de vrais personnages façonnés par la pauvreté et les injustices qui existent sûrement bel et bien... Loin de la caricature, l'on sent que El Aswany décrit dans L'Immeuble Yacoubian  la vie qui palpite dans les veines du Caire, "pour de vrai". Merci Anne!





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